A l'heure où le campus virtuel est une réalité et où les nouvelles technologies de l'information et de la communication sont dans les salles de classe, qu'est l'école devenue ?
Les rôles de ses acteurs principaux - enseignants, manuels, éducation nationale - sont remis en question. Leur disparition n'est pas, qu'on se rassure, pour demain, mais une évolution va inexorablement se produire.
Avant de savoir si les NTIC peuvent se substituer à l'enseignant, il faut préciser quel est son rôle. Selon Bernard Stiegler "l'enseignant est un abréviateur de savoir. Il fait en sorte qu'une génération soit capable en peu de temps d'accéder à 2500 ans de connaissance. Il est en quelque sorte un navigateur dans les grands espaces du savoir. Il utilise pour cela des manuels scolaires, eux-mêmes abrégés du savoir. La question devient alors : comment s'articulent les nouveaux médias, qui contiennent des navigateurs automatisés, avec le système existant, l'Education Nationale ? Celle-ci depuis ses débuts a pour mission de transmettre des programmes comportementaux pour que la société fasse corps."
On peut, d'après le directeur général du CNDP, décrire deux attitudes : "ou bien on considère qu'on a affaire à de nouvelles problématiques, ou bien on estime que finalement, rien n'est nouveau, ce n'est qu'une nouvelle forme de "la peur de la bibliothèque". Il faut reconnaître que l'école de France a toujours été réticente à la démarche de recherche de documents. C'est là l'héritage de Descartes : l'idée est qu'on peut déduire beaucoup de choses au tableau noir. Mais cette fois, le couple maître-élève va changer, car la vieille question de la documentation, qui a toujours été marginalisée, va occuper le devant de la scène. De plus, le maître ne sera plus celui qui détient toutes les ressources."
Selon le directeur de l'Information scientifique et technique et des bibliothèques au Ministère de l'Education Nationale, "il faut développer une réflexion à propos des contenus ; pour cela, l'industrie éducative doit être connectée avec les milieux enseignants. Il est en effet nécessaire que les contenus mis en ligne soient valides. On n'en est plus aux expériences : déjà quatre ou cinq académies ont mis en réseau leurs lycées et collèges. Cette fois, en effet, on n'a pas lancé des grands plans d'en haut. Les initiatives ont été locales et il y a eu une émulation entre les établissements. Le problème principal ainsi apparu est le manque de contenus en langue française."
Est-ce finalement qu'il faut repenser l'école globalement ? "Oui", répond-on. "Il faut oser obliger les enseignants à se servir d'ordinateurs. Il est urgent d'agir surtout lorsqu'on voit Microsoft qui relie 400 établissements au réseau et les fait vivre à l'heure américaine." Sommes-nous prêts à y consacrer des moyens importants, à fournir à chaque enseignant un portable, à former l'ensemble du personnel ?
En tout cas, il apparaît nécessaire à Bernard Stiegler de maintenir les programmes officiels. "Si on commence à dire qu'il ne faut plus faire de programmes, on est mal parti : les Américains sont prêts à nous envahir."